Depuis mon bas âge, et surtout à partir de mon entrée à l'école, j'ai toujours fréquenté le "Msid" ou "Jamaa" durant l'été .J'ai ainsi toujours passé mes vacances scolaires, du primaire au collège, à l'école coranique avec son rythme à trois temps et ses conditions à peine supportables : chaleur, natte en osier ou en doum, densité, bruits dissonants et stridents, etc...Cette situation était aggravée par la méchanceté légendaire des fquihs qui ne lésinaient point sur les moyens répressifs et dissuasifs pour faire régner l'ordre et la discipline. L'usage du bâton ou du fouet était très répandu. Notre statut d'enfant n'était nullement pris en considération dans le traitement qui nous était réservé. D'ailleurs, ces sévices étaient pratiqués avec le consentement au moins tacite de nos parents! J'ai connu au minimum deux fquihs, le premier était un algérien qui usait de la violence de façon aveugle. Il faisait régner une terreur implacable parmi nous , de sorte que sa simple présence était pour nous un vrai cauchemar . Toutefois, il avait une fâcheuse tendance à l'assoupissement, et on profitait parfois de sa somnolence quasi-permanente en pleine séance . Il plongeait souvent dans un sommeil prolongé pendant que nous nous efforcions d'apprendre par coeur les versets écrits le matin . De temps en temps, il se réveillait brusquement et lançait son fouet à l'aveuglette. Il nous fallait tâcher d'éviter d'être dans sa trajectoire , car il frappait indistinctement et dans toutes les directions . Quant au second fquih, que Dieu ait son âme. En général, il était plus souple et plus clément, avec néanmoins des pointes de colère passagères mais brutales & dévastatrices. Lors de ces moments, il fallait le ménager et éviter de le courroucer. Cependant, et dans l'ensemble , il faisait usage, du bâton, mais il tâchait quand même de cibler les paresseux et ceux qui feignaient d'apprendre alors qu'ils se plaisaient à répéter la fameuse litanie du "corbeau" que tous les anciens connaissent. Moi-même, j'y avais recours dans les moments de lassitude et de saturation. Ce second fquih, et étant mon oncle, me traitait avec gentillesse et modération . J'étais en quelque sorte un privilégié . Cependant, il faut dire que j'apprenais par coeur les sourates que j'écrivais . A ce propos, je dois quand même avouer que, parfois, j'usais de tricherie , du moins au début de l'été . En effet, chaque fois, j'entamais les séances par certaines sourates déjà apprises l'année précédente, ce qui me faisait épargner beaucoup d'effort et me faciliter évidemment la tâche d'assimilation. Enfin, épisodiquement, j'avais recours à un subterfuge irrégulier consistant à placer la face de la planche à réciter devant moi et ce, à l'insu du fquih qui, blasé & éreinté par le rythme infernal de sa besogne, ne s'apercevait de rien . Aujourd'hui encore, je me rends compte que je garde toujours en mémoire plusieurs sourates ou versets notamment des 15 premiers chapitres que j'avais appris durant cette période. C'est le coté positif du cadre cruel dans lequel on était soumis chaque été, période où on devait normalement prendre un peu de repos. Un autre avantage que j'ai tiré de cette période , il réside dans une certaine maîtrise de la langue arabe . J'en rends grâce à Dieu. Dernièrement, la curiosité m'a conduit à passer voir le lieu où j'apprenais le coran . J'ai constaté, avec regret & amertume, qu'il était presque démoli ...Malheureusement !!
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